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Entretien avec la célèbre designer Elena Votsi :
« Bleu, lignes des rivages et des sommets des montagnes, blanc du marbre des temples… »
Née à Hydra, qui reste sa source d’inspiration inépuisable, et ayant étudié la peinture (à l’École des Beaux-Arts d’Athènes) et la joaillerie (au Royal College of Art de Londres), Elena Votsi a suivi un parcours remarquable dans le domaine du design, créant des bijoux pour les plus grands musées de Grèce – le Musée de l’Acropole, le Musée d’art cycladique, le Musée Benaki, la Fondation Basil & Elise Goulandris, la Galerie Nationale – tout en collaborant aussi avec des maisons de mode internationales de renom – Gucci, Ralph Lauren. Un moment marquant de sa carrière fut la refonte de la médaille des Jeux Olympiques d’Athènes 2004, et un immense honneur pour elle : le fait que le recto de la médaille porte sa signature pour tous les Jeux Olympiques à venir, inscrivant ainsi le travail de la designer grecque reconnue à l’international dans l’Histoire.
1. Madame Votsi, vous avez beaucoup voyagé et vécu de nombreuses années à l’étranger. Vous êtes connue pour vos créations à l’international et travaillez avec des marques du monde entier. Et pourtant, vous choisissez la Grèce…
La Grèce a toujours été mon premier choix. Il y aurait eu des opportunités pour moi de commencer ma carrière à Londres, juste après la fin de mes études, mais au bout du compte, je ne pouvais pas résister aux paysages, au climat et aux gens de notre pays. Il en fut de même lorsque j’ai eu l’opportunité de poursuivre ma carrière à Paris. Pour une raison que j’ignore, même si à l’époque les choses auraient été beaucoup plus faciles pour moi à l’étranger, j’ai décidé de retourner dans mon pays natal et, malgré les défis plus grands, de continuer ici ce que j’avais déjà commencé.
2. Vous avez un style personnel, unique et très original dans vos créations, qu’il s’agisse de bijoux ou d’objets pour la maison. Où puisez-vous l’inspiration pour vos créations ?
Généralement dans mon quotidien. Dans ce que je vois autour de moi, ce que j’admire, tout ce qui a une histoire à raconter. Parfois, je peux être inspirée par un thème, comme le « cœur » ou la « Grèce », d’autres fois par une forme qui m’impressionne ou un objet doté d’une force particulière.
3. Dites-nous… que représente Hydra pour vous ?
Hydra est mon refuge. Ce sont mes souvenirs, ma famille, mes amis, mes premières créations, mes premiers rêves, mon premier amour, et mes plus beaux étés. C’est là que tout a commencé, et cela continue encore aujourd’hui.
4. Dans votre boutique au port d’Hydra, les visiteurs de l’île peuvent découvrir des cadeaux et objets pour la maison aux couleurs et motifs inspirés de la tradition grecque. Dites-nous quelques mots sur ces “souvenirs” uniques… créés par Elena Votsi.
C’est une collection sur laquelle je travaille depuis environ neuf ans. Elle est née de mon besoin de proposer en boutique des cadeaux grecs, utiles et abordables. Quelque chose qui soit ou qui évoque la Grèce. L’âne, le chat, la couleur bleue, la dentelle, l’alphabet grec. Des éléments que j’aime voir entrer dans les maisons grecques ou voyager à l’étranger dans la valise de chaque visiteur. C’est pour cela que cette collection s’appelle “ElenaVotsimyGreekcollection”. Je voulais que tout fasse référence à la Grèce, à son peuple, à sa beauté.
5. Parlez-nous de la conception de la médaille des Jeux Olympiques et de ce que vous ressentez lorsque vous voyez les meilleurs athlètes du monde remporter quelque chose de grec, que vous avez créé.
Je crois que rien ne peut surpasser le fait que le recto de la médaille olympique porte l’une de mes créations, une création inspirée par la Grèce. L’idée est née d’une combinaison entre les directives reçues du Comité Olympique et les éléments que, en tant que Grecque, je pensais devoir figurer en évidence sur le recto de la médaille. Bien sûr, je n’aurais jamais imaginé que, par la suite, le comité des “Immortels” déciderait que cette face resterait la même pour tous les Jeux Olympiques à venir. Voir les plus grands athlètes du monde, et encore plus les Grecs, porter cette médaille autour du cou, représentant le stade de marbre (Kallimarmaro) et le Parthénon en arrière-plan, est pour moi le plus grand moment de réalisation personnelle. Quelque chose de grec mis en valeur et vu par des millions de regards à travers le monde. C’est à ce moment-là que je ressens, même brièvement, que la Grèce obtient la place qu’elle mérite…
6. En plus de la médaille olympique, vous avez également conçu la Médaille de la Démocratie, décernée chaque année lors du Forum de la Démocratie d’Athènes. Vous avez également été sollicitée pour concevoir la médaille commémorative du bicentenaire de la Révolution grecque de 1821. Comment des notions associées à la Grèce, comme la démocratie, la liberté, l’histoire, la culture et le sport, peuvent-elles être représentées en images ?
C’est une question de point de vue et d’éducation. D’abord, on voit ces choses et ces notions en tant que Grec, puis on essaie de trouver des moyens de les communiquer à chaque visiteur, admirateur ou même critique de la Grèce. C’est là que l’éducation entre en jeu. On utilise ses connaissances pour représenter quelque chose d’aussi « grand » sur quelque chose d’aussi petit. Quelque chose qui voyagera à l’étranger et pourra toujours rappeler l’existence, l’histoire et l’importance de la Grèce. La Médaille de la Démocratie est une médaille dotée d’une force particulière, avec des symboles et des éléments qui révèlent la grandeur du passé et la signification de l’avenir. Il en va de même pour la médaille commémorative du bicentenaire de la Révolution de 1821. Le passé et le présent “fusionnent” pour nous rappeler les efforts et les luttes menés pour que nous soyons libres aujourd’hui.
7. Selon vous, pourquoi les visiteurs étrangers en Attique devraient-ils rechercher et choisir des bijoux de créateurs grecs ?
Aujourd’hui, seuls quelques designers grecs sont restés dans le pays et y conçoivent leurs bijoux. Parce qu’il y a encore des personnes avec du savoir-faire, de l’éducation, du goût et de l’amour pour ce qu’elles font. Parce que certains d’entre nous résistent encore au “confort” et soutiennent l’élément grec, le produit grec, les artisans grecs. Parce que nous portons un héritage dans notre sang et que nous souhaitons continuer à le transmettre au monde.
8. En dehors d’Hydra, quel autre lieu en Attique aimez-vous et pourquoi ?
J’aime Athènes. Je vis dans le centre-ville et je me sens très chanceuse de pouvoir descendre dans la rue et apercevoir l’Acropole au loin. J’aime le fait qu’avec tous les musées autour de moi, je puisse m’y perdre un moment, m’en inspirer, admirer les œuvres exposées et me sentir fière de tout ce que nous avons hérité. Athènes fait des efforts et s’en sort très bien. Et c’est merveilleux…
9. Certaines de vos créations sont disponibles dans les boutiques de nombreux musées en Attique. Comment une œuvre exposée au musée devient-elle source d’inspiration et le musée lui-même un terrain d’expression pour vous ?
Travailler avec un musée est pour moi un immense plaisir. Prendre un élément d’un objet exposé et le transformer en une nouvelle petite œuvre d’art, c’est comme s’il continuait de vivre à travers mes yeux. Surtout lorsqu’il devient un bijou, j’ai l’impression qu’il peut “voyager” avec nous dans notre vie quotidienne, à travers ce que nous sommes. Les musées sont des foyers d’inspiration. Et je suis heureuse de voir qu’au cours des dernières années, les musées grecs sont devenus des organismes vivants, accueillants et multidimensionnels.
10. Si nous vous demandions de “dessiner” l’Attique, quelles couleurs et formes utiliseriez-vous ?
Bleu, lignes des rivages et des sommets des montagnes, blanc du marbre des temples…